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Les options par défaut peuvent-elles sauver des vies ?

PERSPECTIVE

L’enregistrement de donneurs d’organes potentiels est indispensable à la bonne réactivité du système de santé : il permet, chaque année, la survie de nombreux patients dans un état critique.

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Au début des années 2000, deux chercheurs américains de l’Université de Columbia, Daniel Goldstein et Eric Johnson, se sont intéressés à la psychologie du don d’organe : pourquoi choisit-on d’être ou non donneur d’organe ? 

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Les résultats de leur étude sont étonnants !

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Des taux de consentement très contrastés

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Pour différents pays européens, les chercheurs ont représenté ci-dessous le taux de consentement, c’est-à-dire, le pourcentage de personnes ayant indiqué qu’elles seraient prêtes à donner leurs organes après leur mort. On observe sur ce graphique deux groupes bien distincts : les pays de droite pour lequel le taux de consentement est très élevé, et les pays de gauche où il est beaucoup plus faible.

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Cette différence proviendrait-elle de différences culturelles ? En regardant le graphique de plus près, on observe que des pays considérés comme proches d’un point de vue culturel se situent dans des groupes distincts : l’Autriche est dans le groupe de droite, l’Allemagne dans celui de gauche. La Suède présente un taux de consentement très élevé, le Danemark affiche un taux très faible.

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Le Danemark notamment a conduit de nombreuses actions pour élever ce taux de consentement : grâce à des lettres envoyées aux foyers pour leur demander de s’inscrire sur les listes de donneurs potentiels, ils ont réussi à élever ce pourcentage à 28 %. Les pays du groupe de droite, flirtant avec les 100 % d’inscrits, semblent cependant avoir adopté une stratégie bien plus efficace. Et leur secret se trouve dans la conception du formulaire d’inscription.

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Comment la rédaction d'un formulaire influence-t-elle le taux de consentement à l'échelle nationale ?

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La différence majeure entre les deux groupes de pays réside dans l’option de choix par défaut intégrée au formulaire d’inscription. Le formulaire utilisé par les pays de gauche demande aux citoyens « Cochez la case si vous souhaitez être considéré comme donneur d’organe ». Le formulaire des pays de droite demande quant à lui « Cochez la case si vous ne souhaitez pas être considéré comme donneur d’organe ». En général, pour l’un et l’autre des formulaires, les personnes renseignant le document ne cochent pas la case ! Comme il s’agit d’une décision engageante, il est plus confortable d’un point de vue cognitif de ne pas trop y réfléchir et de ne rien faire.

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L'architecture du formulaire impacte ainsi notre statut de « donneur par défaut ». Dans certains pays européens comme l’Autriche, la Suède et la France depuis 1976, les habitants sont tous considérés comme étant automatiquement donneurs. En cas d’opposition de la part d’un résident, une action est nécessaire pour communiquer son refus d'être considéré donneur d'organe potentiel : c’est l’option « Opt-out », aussi appelée consentement présumé. D’autres pays tels que le Canada ou l’Allemagne ont opté pour l’option « Opt-in » en demandant l’accord explicite de chaque citoyen désirant être considéré donneur. Dans les deux cas, chaque personne reste libre de son choix, seul le statut par défaut change. Au sein des pays ayant opté pour le consentement présumé, ce statut de donneur potentiel ne fera pas pour autant de vous un donneur effectif de façon automatique : en France par exemple, l'expression du refus peut être formulée à travers le témoignage des proches. Ces derniers seront systématiquement interrogés par l'équipe médicale.

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La configuration de l’option par défaut conduit ainsi aux différences marquées observées entre les taux de consentement des différents pays européens. Au-delà de l’expression du consentement, on observe également que le taux de donneurs d’organe effectifs (prélevés pour une greffe) est également plus important dans les pays appliquant le consentement présumé.

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Le consentement présumé serait-il la meilleure stratégie ?

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En janvier 2020, l’Allemagne a confirmé son refus du principe du consentement présumé au don d’organe : ce dernier a été rejeté par le Bundestag à l’issue d'un débat bioéthique agité. En Allemagne, on considère cependant que le manque de donneurs empêche de sauver 900 vies par an.

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Dans le but d’augmenter le nombre de donneurs potentiels, les pays tels l’Allemagne qui privilégient l’option « Opt-in » ont expérimenté différentes mesures (comme l’envoi des lettres aux foyers par le Danemark). Parmi les stratégies testées, l’une des plus efficaces consistait en l’utilisation de messages basés sur la réciprocité et l’empathie : « Si vous aviez besoin d’un don d’organes, en voudriez-vous un ? Si oui, aidez-nous à sauver des vies aujourd’hui ». Malgré une augmentation significative du nombre de donneurs référencés après l’expérimentation de ce message au Royaume-Uni en 2013, l’impact de ce dernier reste limité (avec environ deux fois plus d’inscriptions qu’avec la procédure standard). Le Royaume-Uni et les Pays-Bas ont donc à leur tour fait évoluer leur législation : depuis 2020, chaque résident est désormais considéré comme donneur présumé.

 

D’ici quelques années, il sera possible d’estimer le nombre de vies ayant pu être sauvées grâce à cette modification de l’option par défaut.

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Sources :

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Johnson, E. J., & Goldstein, D. (2003). Do defaults save lives?.

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OCDE (2017), Behavioural Insights and Public Policy : Lessons from Around the World, Éditions OCDE, Paris

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Ariely, D (2008, December) Dan Ariely: Are we in control of our own decisions? Retrieved from

https://www.ted.com/talk/dan_ariely_asks_are_we_in_control_of_our_own_decisions

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Camille Magnard (Janvier 2021), Don d'organes en Allemagne : le refus du "tous donneurs", France Culture. https://www.franceculture.fr/emissions/revue-de-presse-internationale/la-revue-de-presse-internationale-emission-du-vendredi-17-janvier-2020

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