
Le « test du Marshmallow » : saurez-vous résister au biais du temps présent ?
3 MINUTES POUR COMPRENDRE
Le biais du temps présent
Le biais du temps présent traduit notre tendance à préférer une gratification immédiate, à une récompense future plus importante. Au restaurant, c’est lui qui nous poussera par exemple à choisir le burger plutôt que la salade : si cette dernière nous promet la récompense d’une silhouette fine sur le long-terme, le burger constitue une option plus agréable à court-terme.
Ennemi numéro 1 de nos tentatives de régime et de nos bonnes résolutions du nouvel an, le biais du temps présent est également impliqué dans le phénomène de procrastination ou encore dans l’inaction climatique. Par ailleurs, c’est dans notre capacité à résister à ce biais cognitif que résiderait le principal atout de notre self-control.
Réussiriez-vous le test du Marshmallow ?
Dans les années 1970, l’équipe du psychologue américain Walter Mischel mène une étude originale mettant en scène des Marshmallows. En début d’expérience, un chercheur propose à un enfant (âgé de 3 à 5 ans) de choisir entre deux récompenses possibles : un Marshmallow et un petit bretzel. Avant de sortir de la salle d’expérience, l’instructeur donne la consigne suivante à l’enfant : « Si tu attends jusqu’à ce que je revienne, tu auras ta récompense préférée. Si tu ne veux pas attendre, tu peux sonner la cloche pour que je revienne, mais tu auras la récompense que tu aimes le moins ». Plusieurs conditions sont alors testées : selon les groupes, l’enfant peut avoir accès à un jouet, ou bien avoir comme consigne de penser à quelque chose d’agréable.
Les résultats sont sans appel : la capacité des enfants à attendre pour recevoir leur récompense préférée augmente en fonction de l’attrait pour cette récompense et de l’état émotionnel des enfants. Ainsi, le temps d’attente des enfants est significativement allongé quand ils ont accès à un jouet (il s’écoule environ 8 minutes avant l’appel de l’instructeur) et l’est encore davantage quand ils ont eu des pensées agréables durant le test (environ 12 minutes). Dans le cas où l’enfant n’a eu ni accès à jouet, ni consigne d’avoir une pensée positive, sa résistance à l’appel de la récompense immédiate ne dure que 30 secondes !

Dans cette vidéo, une expérience similaire propose à des enfants de choisir entre deux options : manger un Marshmallow maintenant, ou bien attendre et manger deux Marshmallows plus tard. Il est difficile de ne pas s’attendrir devant la difficulté que représente l’attente du second Marshmallow pour ces enfants attablés devant leur friandise !
Marshmallows, self-control & procrastination
Quelques années après les premières expériences, l’équipe de Walter Mischel s’est intéressée au devenir des enfants ayant participé au « test du Marshmallow ». Les chercheurs ont montré que les enfants ayant obtenu les temps d’attente les plus longs lors du « test du Marshmallow » sont décrits, une fois adolescents, comme plus attentifs et davantage capables de se contrôler. Ils obtiendraient par ailleurs de meilleurs résultats aux tests d’aptitude scolaire.
Cependant, cette étude a été réalisée sur un nombre réduit d’enfants, ne permettant pas d’étayer un modèle général. De plus, bien que la corrélation soit forte entre un temps d’attente élevé lors d’un test réalisé durant l’enfance, et un meilleur contrôle de soi à l’adolescence, il est possible que cette capacité des individus à mieux gérer l’attente et à entrevoir l’intérêt des bénéfices à long-terme soit également influencée par l’éducation reçue dès le plus jeune âge et l’environnement familial.
Aujourd’hui, le « test du Marshmallow » est toujours employé et produit des résultats contrastés qui font l’objet de débats continus. Un article récent a en effet répertorié les différents « tests du Marshmallow » réalisés à ce jour et a mis en évidence une augmentation significative du temps d’attente observé chez les individus au cours des expériences réalisées ces cinquante dernières années, et ce contrairement aux prédictions initiales établies par les chercheurs.
Le biais du temps présent mis en évidence dans cette célèbre expérience pourrait également avoir un impact significatif à plus grande échelle. En effet, notre difficulté à appréhender les conséquences à long terme de nos actions peut notamment influencer nos comportements au travail (via le phénomène de procrastination) ou encore retarder les actions de transformation, souvent chronophages, à l’image de celles en cours pour lutter contre le changement climatique. Heureusement, les sciences comportementales nous offrent aujourd'hui des leviers pour lutter contre le biais du temps présent, notamment à travers la création de Nudges. Notre favori ? La construction d'un plan d'actions qui permet de lutter efficacement contre le phénomène de procrastination !
Sources :
Breig, Z., et al. (2020) Why Do We Procrastinate? Present Bias and Optimism.
Gollwitzer, P., & Sheeran, P. (2008). Implementation intentions.
Mischel, W., et al. (1972). Cognitive and attentional mechanisms in delay of gratification. Journal of Personality and Social Psychology, 21(2), 204-218.
Mischel, W., et al. (1989). Delay of Gratification in Children. Science, 244(4907), 933-938.
Protzko, J. (2020) Kids These Days! Increasing delay of gratification ability over the past 50 years in children. Intelligence, 80(4).
Weber, E.U. (2010) What shapes perceptions of climate change? Wiley Interdisciplinary reviews: Climate Change, 1(3), 332-342.