
Réinventer une gamme de produits en surmontant l'effet de fixation
CASE STUDY
Comment concevoir un format d'atelier permettant d'adresser des voies d'innovation non explorées pour l'élargissement d'une gamme de produits
Une fixation renforcée en collectif
Le cerveau humain éprouve une difficulté naturelle à s'éloigner de ce qu'il connaît pour proposer des idées nouvelles : nous avons ainsi tendance à être fixés par les connaissances que nous avons acquises et à formuler des idées relativement classiques. Des chercheurs de l'université de Tübigen ont en outre montré que cette fixation créative est renforcée par le collectif : en brainstorming par exemple, un groupe sera moins créatif qu'un ensemble d'individus travaillant de façon isolée. Deux phénomènes viennent expliquer cette baisse de créativité collective : l'effet de conformisme et la paresse sociale.
En session créative, l'effet de conformisme aura tendance à nous faire adhérer plus facilement aux idées d'autrui et à nous retenir de proposer des idées trop décalées par rapport à la direction prise par le groupe. Certaines idées innovantes peuvent ainsi ne pas émerger en groupe alors qu'elles auraient pu être proposées en exercice individuel.
La paresse sociale, quant à elle, est un phénomène que nous avons tous déjà expérimenté en travail collectif : plus il y a de personnes dans un groupe, moins chacune se sent responsable des résultats du groupe. En session collective, un individu sera donc en moyenne moins investi dans la tâche créative que s'il travaillait isolément.

Des ateliers d'innovation préparés minutieusement afin de surmonter les effets de fixation
Afin d'atténuer cette fixation renforcée par le collectif, il est possible de recourir à quelques bonnes pratiques. Au cours de la préparation d'un atelier d'innovation visant à aider une entreprise à élargir sa gamme de produits, voici les quelques principes et astuces qui ont été mis en place en vie de minimiser les effets de fixation :
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Les règles du jeu du brainstorming proposées par Osborn (un grand classique des ateliers d'innovation) : elles recommandent au groupe de prendre 5 minutes en individuel en début de brainstorming afin que chaque participant écrive ses idées sur des post-its avant de les partager (c'est une phase indispensable à la rentabilité de la session). Au début de la phase créative, on recommande également aux participants d'éviter les jugements négatifs et de favoriser la critique constructive. Cette règle permet de laisser une place à toutes les idées, y compris les plus folles.
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Une phase d'immersion empathique : se mettre dans la peau d'un usager spécifique permet de comprendre de nouveaux points de vue, d'identifier de nouvelles valeurs potentielles pour un produit et d'explorer de nouvelles directions d'innovation. Cette phase empathique peut se faire à l'aide d'outils tels qu'une carte d'empathie ou encore des parcours usagers (Customer Journey Map). La Madeleine de Proust est également un exercice empathique très ludique qui peut tenir lieu de brise-glace pour démarrer la génération d'idées. Il consiste à demander aux participants de raconter un épisode de leur enfance auquel l'intitulé de l'exercice créatif leur fait penser. Par exemple, un groupe travaillant sur la signalétique en gare pourra évoquer plusieurs dimensions de la gare et différentes types de problématiques liées au repérage à l'occasion de cette simple phase d'introduction.
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Des exemples de directions d'exploration surprenantes présentés en début de session créative pour atténuer la fixation sur les voies classiques. Les scientifiques ont en effet montré qu'un exemple original présenté en début de tâche créative augmente l'originalité des réponses proposées. Ces directions surprenantes peuvent notamment être présentés sous la forme d'un moodboard (des exemples de moodboards sont présentés dans notre article sur le projet Agriconnect).
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Un partage de connaissances en amont de phase créative permettant de créer une base de connaissances commune aux participants. Ce partage de connaissances peut prendre la forme d'une série d'exposés : au cours de la phase de partage de connaissances, la présentation de connaissances en lien avec le thème de l'atelier favorisera la mise à niveau des participants sur le sujet, leur permettant de progresser avec plus d'aisance en phase créative. Par ailleurs, la présentation d'éléments de connaissance plus décalés, appartenant à d'autres secteurs ou encore à d'autres disciplines, favorisera l'inspiration en session créative. Cette phase de partage de connaissance fait partie des bonnes pratiques héritées du processus d'innovation DKCP.

Enfin, outre les bonnes pratiques à mettre en place au cours d'un atelier créatif, le faciliteur de la session peut se doter d'un outil de contrôle lui permettant de suivre la progression des participants au cours de l'exploration du thème d'innovation : en phase de préparation de l'atelier, il peut en effet conduire un travail dédié à l'exploration de la thématique (seul ou avec l'aide de tiers) et cartographier l'ensemble des voies d'exploration que les participants pourraient être amenés à aborder pendant l'atelier. Cette cartographie peut se présenter sous la forme d'une carte mentale (ou mind map) et lui permettre de différencier les voies classiques et récurrentes, des voies d'exploration surprenantes et à fort potentiel de valeur.
À l'aide de cette cartographie, le facilitateur - véritable orfèvre de l'innovation - pourra ainsi repérer les fixations au sein des groupes et inviter les participants à explorer de nouvelles voies, qu'ils pourront enrichir et affiner à l'aide de leurs expertises et de leurs connaissances respectives.